Par Geneviève Confort-Sabathé
Faut-il s’étonner de voir tant de personnalités illustres exhorter les états-majors de la gauche radicale à faire l’unité politique en vue des élections européennes ? Faut-il s’étonner de voir tant de militants purs et durs prêts à rengainer leurs exigences démocratiques au nom de l’efficacité électorale ? Non, car les Français, fussent-ils intellectuels conscientisés ou citoyens engagés, n’arrivent pas à faire le deuil de la démocratie.
Ils veulent oublier la forfaiture des députés de l’Assemblée nationale (hormis les communistes) qui ont adopté le Traité de Lisbonne contre l’avis du peuple français.
Les Français sont bien conscients que la démocratie par délégation est une catastrophe et que les élus ne se sentent jamais tenus par les promesses qu’ils ont faites pendant la campagne électorale. Pourtant, ils ne parviennent pas à renoncer aux soirs d’élections, ces moments collectifs, qui fleurent bon la revanche populaire. Evidemment, la jouissance ne dure pas longtemps, juste le temps de se pousser du coude ou de le lever, devant la gueule enfarinée des quelques-uns qui se sont ramassés une veste.
Mais, cette fois, l’enjeu est de taille car le seul fait de participer aux élections européennes dans le contexte de crise actuel revient à cautionner un système politique totalement inféodé à la loi du marché commun européen. Les traités, véritables tables de la Loi, sont gravés dans le marbre capitaliste. Le dernier avatar, le trop fameux traité de Lisbonne, qui viole la volonté des peuples parachèvera la tendance ultralibérale de l’Europe.
Les élections au Parlement sont une mascarade destinée à laisser croire que les peuples ont encore leur mot à dire. Or, il suffit pour se convaincre du contraire de s’intéresser aux toutes dernières décisions « sociales » de la Cour de Justice des Communautés européennes, elles vont toutes dans le sens de la défense de l’entreprise contre le droit des salariés. Pourquoi ? Parce que les traités successifs constituent un carcan imperméable qui permet une « interprétation » libérale quelle que soit la volonté initiale des députés européens. Ainsi les droits des entreprises s’apparentent, en droit européen, à des « libertés fondamentales » quand les droits des salariés sont du ressort de la compassion des Etats membres, à eux de choisir ce qui est bon pour leurs propres ressortissants… à condition que cela ne défrise pas la Cour de Justice des Communautés européennes.
La majorité du Parlement européen serait-il composé de députés anarcho-communistes, ce qui ne risque pas de se produire avant l’an 3050, que les technocrates de la Commission n’en renonceraient pas moins à leur but suprême : édicter des lois pour accélérer le dumping social dans les Etats membres. La Commission européenne est le bras armé des capitalistes en Europe. Même si une « actio popularis », emmenée par un ramassis de salopards en salopette, la visait, elle pourrait toujours compter sur la Cour de Justice des Communautés européennes. Bien planquée dans un véritable bunker au Luxembourg, un paradis fiscal soit dit en passant, cette tanière de super-juges symbolise le totalitarisme juridique d’une construction européenne qui s’est faite sur le déni des peuples. Les arrêts de cette cour suprême sont inattaquables ou presque. Confessionnal ou conseil de discipline, la Cour de Justice se la joue autoritaire. Les représentants des Etats membres y défilent, la tête basse, et en sortent, les fesses rougies.
La Cour de Justice des Communautés européennes est sans doute l’instance la plus discrète mais aussi la plus puissante. Une puissance occulte, au service des puissances de l’argent, en quelque sorte puisqu’elle n’a cessé, en quarante ans, de promouvoir le libéralisme le plus violent à coups d’interprétation fantaisistes des traités lorsque les textes n’étaient pas suffisamment précis. Ses pouvoirs ne cessent de s’étendre de traités en traités, les Etats membres perdent de plus en plus leur prérogatives au bénéfice de cette curieuse institution qui semble intouchable et s’apparente désormais à une sorte d’Olympe d’où un Zeus, déguisé en trader de luxe, lancerait des éclairs sur les misérables humains qui passent à sa portée.
On dira que j’exagère et que les menaces sur la démocratie ne peuvent en être arrivées à ce point critique, qu’il est possible de changer encore la donne. Peut-être mais certainement pas de l’intérieur. Restent des solutions plus concrètes : la grève générale reconductible dans tous les pays européens et la mise en place d’une capillarité des initiatives alternatives concernant tout autant les relations au travail qu’à la monnaie. Le travail et l’argent constituent les deux moyens les plus efficaces de contrôle des peuples.
Ne votons pas, réfléchissons ! Prenons le temps de nous parler de tout, sans interférences électorales.
Les lendemains d’élection chantent parfois mais cela dure si peu. Donnons-nous du temps pour chercher la porte de sortie du capitalisme. Sinon nous ressemblerons à des alouettes affolées prises dans les miroirs qui les condamnent.
source: Damnés de la terre
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